Food empowerment – La cuisine au service du solidaire

  • 21 mai 2021
  • Marion Letorey
  • 8 min read

La situation sanitaire et les conséquences qu’elle a entraîné ces derniers mois ont mis en évidence le double enjeu que représente l’accès à une alimentation à la fois saine et durable. 

Anne Le More, cofondatrice de Chefs4thePlanet et activiste engagée pour le bien-manger recevait sur Clubhouse Loubna Ksibi, cofondatrice de Meet My Mama, Marine Mandrila présidente et co-fondatrice de Refugee Food ainsi qu’Harouna Sow, chef à la Résidence du Refugee Food Festival à Ground Control, espace culturel et engagé à Paris. Un échange sur le thème de la cuisine au service du social et du solidaire.

Loubna Ksibi ouvre la discussion en présentant Meet My Mama, entreprise de formation et traiteur engagé. À la base de ce projet, l’envie d’utiliser la cuisine comme levier pour révéler les talents des femmes et créer des opportunités économiques associées. Meet My Mama est issue de sa rencontre, il y a 4 ans, avec Donia Souad et Youssef Oudahman, deux jeunes entrepreneurs ayant lancé des initiatives similaires, et portant les mêmes valeurs. Permettre aux femmes du monde entier de vivre et de s’épanouir de leur passion pour la cuisine, un objectif simple, clair et universel. 

« Cuisiner est une chose mais gérer une entreprise en est une autre. Et très souvent, ces mamas manquent de confiance en elles et n’osent pas sauter le pas et en faire leur métier. De nombreux freins reviennent souvent entre barrière de la langue, manque de réseaux, de formation ou encore de financement… » précise Loubna Ksibi.

Meet my mama se structure alors en deux pôles pour s’attaquer à ces deux missions : accompagner les mamas à prendre confiance en levant un maximum de freins et les aider à commercialiser ce savoir-faire.

En un mot : l’empowerment !

À Marine Mandrila de présenter le Refugee Food Festival, projet culinaire et solidaire qui facilite l’insertion socio-professionnelle par la restauration et dans la restauration. Festivals, restaurants, centre de formation, service traiteur… le Refugee Food contribue à sensibiliser autour de la situation des réfugiés depuis sa création il y a 4 ans. La crise des réfugiés en 2015 et un tour du monde plus tard, naissait l’idée de créer des collaborations entre réfugiés et locaux via la cuisine pour briser les stéréotypes. Les choses se structurent et se professionnalisent au fur et à mesure que les actions sont déployées.

“Si la cuisine française n’avait pas su accueillir la migration elle ne serait pas aussi riche à l’heure actuelle” résume Marine Mandrila.

Pendant la période de confinement, l’association développe une nouvelle activité, celle de l’aide alimentaire pilotée par Harouna Sow. On essaie d’offrir des repas savoureux de qualité et durables aux personnes les plus fragiles et fragilisées par la crise, explique Marine. Harouna Sow est originaire de Mauritanie, arrivé en France un peu par hasard. Soutenu par plusieurs associations et sa famille, il obtient un visa en tant que demandeur d’asile environ 1 an plus tard. Il enchaîne apprentissage du français, formations et stages. Il commence sa carrière en cuisine dans de grosses structures aux côtés de cuisiniers tout juste sortis de chez Ferrandi. “2 salles, 2 ambiances” comme on dit. 

La formation a joué un rôle clé pour Harouna qui souhaite désormais pouvoir transmettre. Un objectif derrière cette volonté, celui d’offrir un rôle model à ces nouveaux arrivants, exilés, qui n’ont plus forcément de repères mais l’envie de se projeter. Il souligne qu’en France, le niveau d’intégration dans la restauration est plus élevé et permet de grimper l’échelle sociale.

La mission de formation est au cœur de l’offre de Meet My Mama. Loubna explique que la première étape de l’empowerment c’est d’inspirer ces femmes. Faire germer la graine pour qu’elle prenne confiance. Ensuite, 2ème étape, la Mama Academy prend le relais et assure les formations autour de 3 piliers : 

  • Être chef : avec l’apprentissage des techniques culinaires de bases, des normes d’hygiène, du design aussi pour les aider à trouver leur signature culinaire, leur identité en cuisine ;
  • Entreprenariat : pour construire leur parcours professionnel et les aider dans les étapes de la création et la gestion d’une entreprise : choisir leur statut, créer leur structure, acquérir des notions de comptabilité, de négociation client, établir devis et factures etc. ;
  • More power : mettre à leur disposition toutes autres formations dont elles auraient besoin, notamment dans le numérique, la prise de parole en public, les langues etc.

L’objectif est également de développer l’idée de responsabilité en leur permettant de développer des soft skills autour des notions de maîtrise d’impact social et environnemental afin d’en faire de véritables ambassadrices d’une food plus inclusive, plus durable et plus responsable. Pour qu’elles incarnent et portent cette vision dans toutes ces dimensions.

3ème étape, Meet My Mama les accompagne pour lever les freins annexes en les assistant pour les démarches d’aide au logement ou trouver des solutions de garde d’enfants pour qu’elles puissent se lancer sereinement.

4ème étape, une fois formée, il faut aller jusqu’au bout et lui trouver des opportunités économiques, rappelle Loubna, que ce soit via l’intégration dans un restaurant ou travailler  chez Meet My Mama sur la partie traiteur.

Dernier étape, une fois qu’elle a des revenus, la mama va pouvoir devenir formatrice à son tour, rayonner et devenir un role model pour les autres mamas et la société en général.

“C’est à ce moment-là que l’on considère que l’on a réussi”, indique Loubna.

Amarja, une mama ayant suivi la formation et étant formatrice à son tour témoigne. Après avoir travaillé dans le marketing, elle a effectué une reconversion dans la restauration et fait partie de la 1ère promo de l’Academy Meet My Mama. “On offre un bout de nous, de notre version créative. On veut transmettre et partager le bonheur avec le monde. Meet My Mama donne l’opportunité de mettre en valeur, la Femme, la Cheffe.”

Marine abonde et partage sa vision de la cuisine : “La cuisine c’est à la fois totalement universel car on a tous besoin de manger, qu’on a tous en commun. Et en même temps c’est très intime, car il y a un énorme bagage culturel et émotionnel. c’est une manière de se raconter la cuisine.

« Ce qui est assez fort c’est de se dire que manger ce que quelqu’un a préparé c’est accepter la personne. C’est quelque chose qui nous dépasse un peu. C’est un aspect très global » souligne Marine Mandrila.

C’est ce lien humain très fort qui lie ces 3 projets d’inclusion par la cuisine. Créer de nouvelles représentations, accompagner, donner confiance pour briser les stéréotypes.

Les bases de l’alimentation et de la cuisine devraient être enseignées à tous pour limiter le gaspillage alimentaire et contribuer au manger mieux. 

Harouna, a collaboré avec le Refettorio, établissement de cuisine solidaire qui utilise les invendus, présent à Paris et à Lille. Il explique l’aberration du gaspillage alimentaire et les logiques autour du sourcing produit pour la restauration de manière générale qui a du mal à changer ses habitudes.  

“Cuisiner les invendus envoie un message fort pour le respect des produits. On partage la même carte vitale avec les agriculteurs, on doit tout faire pour cuisiner leurs produits” rappelle Harouna.

Marine partage la dernière initiative du Refugee Food : « on travaille à l’ouverture d’une cuisine dédiée à l’aide alimentaire. Il y aura des ateliers pour cuisiner à partir de produits bruts et d’équipements rudimentaires. On travaille aussi sur un projet pour les scolaires sur la sensibilisation à l’alimentation durable à l’école.”

La clé de voûte de notre sujet apparaît clairement : la formation !

Mais un autre défi est encore à relever. Meet My Mama a créé une gamme de plats préparés développée avec leurs mamas pour l’enseigne Monoprix. Un projet extrêmement intéressant car il met en lumière le vrai dilemme de faire du bon abordable. Loubna a une position claire et assumée “Il faut que tous les acteurs de l’agro-alimentaire se mettent aussi dans cet état d’esprit”. En effet, on se retrouve vite dans la position de David face à Goliath, et il faudra compter sur la participation et l’engagement de toute la chaîne pour garantir une alimentation saine, gourmande, durable et inclusive pour tous.

Cet article est le résumé de notre room Clubhouse sur la cuisine solidaire du 20 mai 2021. Pour découvrir d’autres sujets sur l’alimentation durable et responsable, vous pouvez suivre et rejoindre notre Club Act For Good #Food sur l’application Clubhouse.

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